Amplifier le silence

J’ai reçu une table tournante pour mon anniversaire. C’est une bonne chose, car c’est exactement ce que j’avais demandé. Sous l’emballage, dans une boîte de carton, se cachait un petit voyage dans le temps. La simple vue de la fameuse table, mais surtout, du bras et de l’aiguille que tu déposes sur le disque, ou le «record», comme certains vieux sages disent encore.

Immédiatement, c’est le bon vieux «grichage» qui te vient à l’oreille, comme si ton album ronronnait… Et là, c’est la musique qui commence.

Depuis le début des années 1990, comme tout le monde, j’ai fait la transition vers le son numérique. Au fil du temps, j’ai porté moins attention à la qualité du son et je tripais plus sur le fait que je pouvais tout contrôler à distance, et, comme par magie, je pouvais même sauter des chansons sans me lever pour déplacer l’aiguille en essayant de la remettre EXACTEMENT à la bonne place sur le disque. Et puis il n’y a pas si longtemps, j’ai réalisé quelque chose qui m’a troublé.

Rien pour appeler ma psy, mais juste assez pour me pousser à réfléchir et à me demander: «C’est quand la dernière fois que j’ai écouté une chanson jusqu’à la fin?» Comme plusieurs, je me retrouve souvent à sauter à la prochaine chanson quand j’ai entendu le bout le plus intéressant de celle que j’écoutais.

Et puis un après-midi que ma fille et son troupeau d’ados étaient dans mon char, je l’ai entendue prononcer les mêmes paroles: «C’est quand la dernière fois qu’on a écouté une chanson au complet?».

C’est un signe!

Le plaisir de la pochette

Depuis que j’ai ma table tournante, j’ai retrouvé le plaisir d’acheter un disque, mais surtout, d’acheter une «pochette».

À l’époque, c’était la moitié du thrill d’acheter un nouvel album. Cette magie s’est perdue avec l’arrivée des CD et leur livret rempli de caractères trop petits à lire. Et que dire du triste sort de la nouvelle génération qui n’a qu’une liste de tounes dans le cellulaire sans lien émotif avec leurs idoles.

Mon premier choix – et aucune surprise pour ceux qui me connaissent bien –,Nevermind de Nirvana. Je m’étais acheté le CD plusieurs fois, car à force de l’écouter, soit il était trop égratigné, soit je l’avais simplement perdu quelque part. Mais là, de tenir l’immense pochette entre mes mains rend le groupe encore plus majestueux.

Qui de ma génération ne se souvient pas de la pochette de The Wall de Pink Floyd où l’on voyait une structure qui ressemblait au stade, seulement pour apprendre que c’était justement ça. Un clin d’œil de la part de Roger Waters qui avait eu un bad trip lors d’un show du groupe mythique à Montréal.

Lorsque tu arrivais à la maison, tu t’empressais de déballer le tout et en même temps que tu découvrais le nouvel univers créé par ton groupe préféré, tu t’assoyais à terre dans ta chambre en regardant les photos et les messages du groupe laissés sur ce menu musical.

Les choses simples

L’idée de posséder ma table tournante n’est pas juste de redémarrer le feu de la nostalgie, mais plutôt de réapprendre à apprécier les choses simples.

Le génie de ma nouvelle bebelle, c’est qu’il n’y a pas de manette pour avancer la toune, une fois que j’aurai entendu le refrain que j’avais dans la tête depuis ce matin, non! L’album que je vais déposer sur la table, il va jouer au complet et je suis convaincu qu’immédiatement, le temps va ralentir, mes respirations vont être plus grandes et je vais me sentir moins «speedé».

Et tant qu’à retourner dans le temps, peut-être même que je vais prendre le temps de danser un slow avec ma blonde.