La grande prise de conscience

Dans ma chronique de la semaine dernière, je terminais en vous disant que j’ai récemment fait ma plus grande prise de conscience en tant que parent alors que j’étais en vacances avec ma fille. Pour vous remettre en contexte, on a fait un petit road trip vers Washington pour aller visiter ma sœur.

Comme plusieurs d’entre vous, lorsque j’aborde certains sujets à la maison, j’ai l’impression de déranger l’ado et d’être le parent le plus fatigant de la planète. Mais là, je me suis dit que c’était le moment parfait pour communiquer un peu.

Comme ma fille a 15 ans et qu’elle est en pleine croissance hormonale, pas besoin de vous dire que je dois peser mes mots si je ne veux pas que ça dégénère, chose qui n’est pas toujours ma grande force, je l’avoue. En lui disant que je trouve que notre relation est tendue à l’occasion et que je n’aime pas comment on se parle parfois, je me suis vite retrouvé bombardé par des «c’est ça, tu veux pu être mon père? Tu m’aimes pu, dis-le donc!»

Woohhhh!!! Comment est-ce que cette discussion a bondi de 1 à 9 sur l’échelle Richter sans passer par 2-3-4-5-6-7-8? Je dois tout de même avouer que mes paroles étaient peut-être plus directes que ce que je vous raconte, mais comme c’est moi qui écris la chronique, allons-y avec ma version!

Mon bébé

Tout au long du voyage, j’ai cherché le moment idéal pour ouvrir le dialogue. Mais je ne voulais rien forcer. Puis, en revenant d’un match de baseball à Baltimore (je confirme à tous les fans de balle que Camden Yards doit être sur votre liste), ma fille s’est brièvement endormie dans l’auto.

Je la regardais dormir et je me disais que, malgré ses 15 ans, dans ma tête, elle n’est jamais bien loin de la petite fille de quatre ou cinq ans qui dormait elle aussi dans son siège d’auto quand on revenait tard à la maison.

C’est à ce moment que j’ai eu une épiphanie.

Pourquoi est-ce que j’insiste autant pour lui parler? Qu’est-ce que je veux régler exactement? De toute évidence, il y a toujours des ajustements à faire, surtout pendant l’adolescence, mais qu’est-ce qui me troublait tant que ça?

C’est exactement là que j’ai réalisé que tout ce que je voulais régler avec elle, c’était en fait des choses que je devais régler avec moi-même.

Comme je suis ceinture noire en culpabilité parentale, les remords remontent périodiquement à la surface. Les fois où j’aurais pu être plus présent, les fois où je me suis emporté pour rien ou que j’ai exagéré les choses. Je me sens même responsable de ses défauts personnels, comme si ça voulait dire que j’ai mal fait ma job de parent, alors que c’est tout à fait normal qu’elle en ait.

S’assumer

La liste des choses que je me reproche est longue, et quand j’y pense, elle est surtout inutile. On s’impose tous la pression d’être le parent parfait et on oublie que c’est grâce aux imperfections de nos propres parents que l’on s’est formé une image de ce qu’on veut être ou ne pas être dans la vie.

Malgré mes défauts et ceux de sa mère, je constate que ma fille s’en tire fort bien, et qu’au bout du compte, tous ces remords qui me hantent n’ont rien à voir avec elle.

Du coup, c’est comme si l’abcès avait été crevé. Avec le plus grand sourire sur le visage, je me suis dit: «C’est à partir d’aujourd’hui que j’assume que je suis le père que je suis!»