Les douanes et moi

Le week-end dernier, j’ai décidé de m’évader aux États-Unis pour me changer les idées. Ouais, faut vraiment que les choses aillent mal pour qu’un Québécois décide de se réfugier au pays de l’oncle Sam.

Ma première idée était simplement de m’enfuir à Burlington, au Vermont, dans une petite auberge sur le bord de l’eau. Je voulais trouver un spa pour sentir l’eucalyptus toute la journée, regarder du football dans un bar sportif et manger de la scrap toute la fin de semaine. Je pensais aussi aller faire une randonnée en montagne. Mais ça, c’était juste pour me donner le droit de manger encore plus de scrap.

Sauf que rendu sur la route, je me suis dit : tant qu’à regarder du football, pourquoi ne pas aller voir un match pour vrai ? Je profite d’un arrêt à la station-service pour faire une petite recherche sur le web. Bonne nouvelle : l’université du Connecticut joue contre South Florida. Ce n’est pas le match du siècle, mais rien ne bat l’ambiance d’un match collégial aux États-Unis.

Drôle de douanier

J’arrive aux douanes et, malgré son air sévère, je raconte au douanier mes plans pour le week-end. Quand je lui dis que je vais aller voir les Huskies de « U. Conn. » comme on les appelle, il me répond : « Wow ! T’es vraiment en manque de football pour aller voir ce match-là. » Pas le choix de partir à rire ! C’était très drôle comme commentaire, surtout venant d’un douanier.

Il me demande ce que je fais dans la vie, je lui réponds que je suis humoriste et il me dit très sérieusement : « Ah oui ? Raconte-moi une blague. » Je lui réponds que je n’en ai pas qui me viennent en tête, mais « la prochaine fois, promis ». Mais il insiste en disant : « J’ai encore ton passeport dans les mains, fais-moi rire si tu veux passer. »

Et moi je me dis : « Sérieux, est-ce que je suis vraiment en train de vivre ça ? »

Finalement, je lui raconte une anecdote, tirée de mon show, qui se déroule justement aux douanes. Lors d’un voyage précédent, lorsque le douanier m’avait demandé si je transportais des fruits ou des légumes, je lui avais répondu que j’avais deux oranges. « Techniquement, je ne peux pas te laisser entrer avec », m’avait-il dit. Sur quoi j’avais répondu : « C’est des oranges de la Floride. Techniquement, je les ramène à la maison. » Le douanier l’avait trouvée très drôle.

On ne rigole pas

Je raconte donc cette anecdote à mon nouvel ami américain et, dès que je termine mon gag, il se lève, s’approche de ma fenêtre et me dit, sur un ton grave et fort : « Vous trouvez ça drôle de rire de notre job ? Savez-vous tout le stress qu’on vit à protéger notre pays ? » Je suis complètement figé et je ne sais pas quoi répondre, mais je sais que j’ai vraiment intérêt à choisir les bons mots pour m’en sortir.

Après un long silence et juste comme j’allais lui répondre, il part à rire et me dit : « Voyez-vous, moi aussi je pourrais être humoriste. » J’ai éclaté de rire, dans un mélange de soulagement et d’euphorie célébrant la fin de mon calvaire !

Comme il me redonnait mon passeport, je lui ai dit : « Bravo ! Bien joué, vous m’avez vraiment eu et, oui, vous pourriez être humoriste. Mais la différence entre vous et moi, c’est que mon public n’a pas besoin de changer de pantalon après mes gags ! »